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Récit d'un voyage aux USA - Partie 2

Récit d'un voyage aux USA - Partie 2

USA TRIP PART : Hi Mr Aleks !

Par Goulven Dollé.

Samedi et Dimanche sont deux jours particuliers, ce sont des jours « In between », de transit, de repos. Exit la pêche, exit le business. On se balade.

Je quitte mon hôtel de Sequim, et fais route pour la banlieue de Seattle, ou réside Aleks Maslov, le patron de North Fork Composites, qui m'a donné Rendez vous chez lui.

Je pars la fleur au fusil, sans avoir trop regardé la carte, en mode GPS Zombie, mais quand je regarde le trajet c'est en fait plein de bras de mer partout, il va falloir prendre un ferry si je ne veux pas être obligé de faire tout le tour du Puget Sound, ce morceau de Pacifique qui rentre très loin dans les terres, et sur lequel est posé la ville de Seattle.

C'est aussi la saison touristique la bas, et il y a du monde, je m'apprête à perdre quelques heures dans les embouteillages à l'embarquement, mais c'est bien organisé, et ça se fait plutôt vite.

Avant mon premier voyage au US j'imaginais, je ne sais pas pourquoi, un pays assez bordélique, façon pousse toi de là que je m'y mettre, un mix de pays de cow-boy et de bad boy. Et dans les faits, de ce que j'en ai vu, c'est au contraire très organisé, voire discipliné, il y a des systèmes partout comme dans les aéroports pour éviter les resquilleurs, tout le monde est calme, personne n'essaye de doubler en loucedé. Pareil sur les passages piétons, tout le monde traverse au signal piéton vert, qu'il y ait des voitures ou pas. Dans l'idée, globalement, ça fait beaucoup plus germanique que latin. Les gens sont plutôt cools, le premier réflexe des gens à qui tu t'adresses ça serait plus « en quoi puis je t'aider » plutôt que « j'ai pas le temps ! »

Donc je prends mon ferry au bout de la jetée de Kingston, et après une traversée assez rapide, une 20aine de minutes max, je débarque à Edmonds et je file chez Aleks.

[caption id="attachment_1674" align="aligncenter" width="720"]Aleks house Arrivée chez Aleks Maslov.[/caption]

J'arrive en début d'après midi bien avancé, Aleks et sa femme m'ont attendu pour déjeuner, c'est super sympa. On se pose dans le jardin avec des sushis et une bouteille de blanc. Ça va, on sait vivre aussi par ici, ça commence bien.

[caption id="attachment_1673" align="aligncenter" width="720"]aleks maslov and his wife Aleks et sa femme[/caption]

Aleks est un personnage vraiment cool, étonnant. Originaire d'Europe de l'est , il a émigré aux US pendant sa petite enfance avec sa famille. Au milieu de la trentaine, ancien d'Amazon, il a eu envie de changer deux ou trois trucs dans sa vie. Il a été recruté par Gary Loomis pour gérer l'opérationnel de North Fork Composites, et ils se sont finalement associés. Rodhouse distribue NFC depuis 7 ans , donc j'ai connu la boite avant lui. On bossait déjà avec eux à ce moment là, mais ça manquait un peu de vie, d'envie, d'allant.

Pour résumer Aleks, je pourrais raconter cette anecdote, qui résume bien la manière dont il sait mettre les gens à l'aise. C’était il y a 3-4 ans, lors de son arrivée aux manettes, et c’était notre tout premier Skype ensemble. Il avait alors raconté une anecdote, attribuée à Hemingway, du genre « Quand j'ai gagné mon premier million de dollars, j'ai dépensé la moitié en prostituées et en whiskys. Et la deuxième moitié, je l'ai dépensée en bêtises. ». Instantanément, je me suis dit qu'on allait bien s'entendre. Il était venu le temps d'une passe sur un pas, sur deux jours, nous voir à Rodhouse l'an dernier, en Juillet aussi, je l'avais reçu chez moi, on avait fait connaissance, et je l'avais emmener pêcher des bars, sur mon bateau, avec ses blanks.

[caption id="attachment_1676" align="aligncenter" width="671"]Aleks rodhouse Aleks Maslov devant la boite ![/caption]
[caption id="attachment_1675" align="aligncenter" width="800"]aleks and a seabass Premier bar pour lui. Ça ressemble au stripped bass non ?[/caption]

Quatre ans après ce premier Skype, je suis chez lui à rigoler en terminant une bouteille de blanc dans son jardin. Aleks passe un coup de fil en vidéo call à Gary Loomis, pour qu'on se fasse coucou. Je ne sais pas ce qu'ils mettent dans leur piquette, mais j'ai un peu la tête qui tourne moi.

[caption id="attachment_1670" align="aligncenter" width="503"]skype with gary loomis Oui oui, je fais un skype avec Gary Loomis...[/caption]

On termine le soir au restau avec sa famille, en mode TexMex, et je rejoins mon Hotel.

Le lendemain, Dimanche, c'est encore un jour entre deux. Aleks voulait m'emmener pêcher, mais j'ai appris que c'était l'anniversaire de sa fille. C'est aussi ce genre de gars qui dorment au bureau, alors je préfère qu'il profite de sa famille et je décline. Du coup, je suis invité à la petite fête l'après midi.

Je profite donc de mon Dimanche matin pour aller me balader. Je repère sur le net un centre commercial qui à l'air un peu moins couillon que les autres. C'est une espèce de village façon country, avec des artisans, des petits restos, des produits faits mains, des babioles estampillées authentique bois d'arbre écolo, des brocantes, c'est vert, boisé, calme. Je musarde, j'achète deux trois bricoles pour ma famille, et des petits trucs pour les kids d'Aleks. Je me dégote un petit resto méditerranéen, et je me pose en terrasse, par ici les calamars frits, une petite Corona et on est bien mon Tintin. Il fait méga beau, je suis aux US posé en train de siroter ma bière, et je dois me pincer pour être certain de ne pas être en plein trip.

corona

Je rejoins ensuite Aleks et les siens chez lui, il y a de la famille, des amis, des gosses qui tourbillonnent partout, on mange de la pastèque en sirotant du Chawdonnayyyyy. Les gens sont faciles et cools, je me félicite encore d'avoir fait ce voyage en solo, car j'ai le sentiment de recevoir plus, qu'on me donne plus facilement des morceaux d'intimité, de chez soi, de sa vie, que si j'avais été en « groupe ». On parle de pleins de trucs, de l'Europe, des US, des vacances, des boulots de chacun. Il y a plein de trucs pourris aux US, et je ne suis pas là pour vous parler de ça, d'autres l'ont mieux fait avant. Mais il y a des trucs qui marchent bien aussi. Le week-end par exemple , ce genre d'américain là va camper. Ils sont plein à faire ça. Ils ont tous un coin de nature, au bord d'une rivière, dans la verte, qu'ils se transmettent, qu'ils se refilent entre bons potes, un petit coin de paradis, ils partent à deux trois couples, ils pêchent, ils font du boat, ils profitent de la nature, et quand il repartent, il n'y a rien derrière eux. Ça me fait un peu penser à Hoedic, une des îles de chez nous où on respire un peu. Un des sentiments que tu ressens assez vite aux US c'est probablement ça, un contact un peu plus libre avec la nature et la pampa, que chez nous. Attention, quand c'est privé, c'est privé, tu rentres quelque part chez quelqu'un sans y être invité, le type peut faire des expériences avec toi s'il le veut, sans que personne n'y trouve à redire. Mais quand c'est public, c'est libre. Sans que ça ne soit non plus open bar, façon on défonce tout et après nous le déluge. Pour comprendre l'idée, disons que s'il y a un lac, tu as le droit d'aller y camper, et s'y tu as un hydravion, tu as le droit de t'y poser. Je ne fais pas un cours de droit là hein, j'essaye de décrire un état d'esprit, là ou c'est vrai que chez nous j'ai parfois l'impression que le champ des possibles se rétrécit de plus en plus. Que la norme est partout, que la moindre discussion à propos de pêche, de drone, de ce que tu veux (mes sujets du moment) devient très vite non plus une discussion de passionné, mais un échange ou le gagnant ne sera pas celui qui sait le mieux faire, mais celui qui est le plus au courant des lois. Je ne suis pas dupe, les US ça devient de plus en plus comme ici, mais le petit air de liberté est quand même perceptible pour celui qui a envie de l'écouter.

La soirée se passe tranquillement, il fait inhabituellement chaud à Seattle, les enfants se tendent des embuscades à coups de bombes à eau tandis que les parents rigolent, c'est une fête d'anniversaire cool, comme dans tous les pays du monde. Je remercie infiniment Alex, ses amis et sa famille de m'avoir permis de vivre ces moments de réelle intimité, dans leur monde à eux, leurs proches, leur vie comme elle est. Je ne savais pas trop comment raconter ça, et déjà si je devais le raconter. Ayant choisi d'axer le report sur un ton un peu perso, j'en parle un peu, en essayant de respecter au maximum l'univers de ceux qui m'ont si bien accueilli.

Retour à l'hôtel. Aleks m'a briefé sur le programme du lendemain. Les dudes, je crois qu'on est dans le paranomal là. Demain, on va pêcher des bass dans le désert, à l'ouest de la Columbia River. Mais je fais comment pour réussir à dormir moi ???

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USA TRIP PART 5 : NFC fishing time.

Par Goulven Dollé.

Lundi réveil de bonne heure, j'ai rendez-vous chez Aleks. On a plusieurs heures de voiture devant nous. Cap à l'est, on part de Seattle direction un espèce de quasi désert qui est bordé à son ouest par la fameuse Colombia River.

La veille on a fait un peu de shopping dans un Cabelas, tradition oblige, et on a acheté tout un tas de petits leurres souples, de TP, pour refaire les stocks d'Aleks.

[caption id=""attachment_1688"" align=""aligncenter"" width=""720""] Voilà le genre de décoration que l'on peut trouver dans les cabelas...[/caption]

On embarque dans son F150 (je me demande si à la naissance aux US la dotation de base n'inclut pas un F150) et c'est parti pour quelques heures de route. On emprunte L'interstate 90, on traverse la chaîne montagneuse qui délimite la partie verte de l'état de Washington, c'est un paysage de montagne super joli, dense, escarpé. On franchit la Columbia River, et on se retrouve alors d'un seul coup dans une pampa désertique, des kékés, de la poussière et du sable à perte de vue. C'est une journée super chaude, il fait 42 degrés, et on est clairement mieux dans le truck qu'à l'extérieur.



On s'arrête pour faire quelques petites courses dans un bled improbable, de quoi grignoter sur les boats et ne pas mourir de soif, traduisez des chips, du bœuf séché et quelques caisses de Coors.


On a rendez-vous avec le gars Jason, chargé de communication de NFC, un ancien de chez Lamiglass, qui est là pour profiter de la journée avec nous, faire des photos, sortir le drone. Un personnage bien sympa, une espèce d'immense Droopy tatoué des pieds aux oreilles, et surtout un obsédé complet de la pêche. Là encore c'est le genre de gars qui sera toujours plus fondu que toi, pas la peine d'essayer de tester, il ne vit, ne travaille, que pour ça. La pêche, tout le temps, partout, un vrai lifestyle, rien à côté. Je parle là encore, d'un incurable complet.


On fait route à deux véhicules et on rejoint le guide de pêche de la journée, Dave Perkins, un autre personnage hors norme, membre du ProStaff NFC et Edge Rods. Là on est clairement plus dans le format petit cube sur pattes, pompier, ancien d'Irak et d'Afghanistan, il s'est fracassé le dos en tombant d'un hélico. Lui c'est le genre baroudeur, toujours un truc à raconter, la blague en embuscade H24, je ne sais pas si on va faire des poissons, mais visiblement on devrait au moins rigoler.

Il stocke tout son matos, ses Bass Boats, Pontons, etc., dans une zone de Box où on le retrouve. Lui il a un 2500 Chevy Silverado, ce qui commence à faire une grosse bestiole. De ce que j'ai compris aux US les PickUp sont catalogués en fonction de la cylindrée, ça commence au F150 (les petits ^^), ça se finit si je me souviens bien au F550 (ou5500, ou 55 etc,) qui sont double essieu, équipés d'attache pour remorques et semi remorques, vraiment destinés à l'emport et la traction, et aussi ce que je ne savais pas, très souvent diesel. Le capot de son 2500 est plus haut que mon épaule, on n’est pas vraiment dans la citadine made in Europe.

[caption id=""attachment_1684"" align=""aligncenter"" width=""800""] Ça commence à devenir sérieux ![/caption]

Cette fois ci on fait donc route à 3 véhicules, et à un moment donné, on quitte la route principale, et on s'engage sur des routes non carrossables. On rejoint alors d'autres gars avec d'autres pickups et d'autres bass boats, et ça commence à ressembler à une expédition. Il y a des ProStaff NFC, des potes à eux. On doit être 6 ou 7 véhicules, ça fait un nuage de poussière de l'enfer, les véhicules qui suivent sont littéralement recouverts de sable.

[caption id=""attachment_1685"" align=""aligncenter"" width=""800""] Ok, y'en a pour combien en pick up là? Et je parle pas des Bass Boats.[/caption]

Je commence à douter de l'existence de ce lac, tout est aride, on croise des chevaux en semi-liberté, je ne vois pas une goutte d'eau, d'humidité, de végétation, à mon avis il n’y a ici pas plus d'eau que dans le frigo de Dave.

Fishing bass in the desert with Aleks Maslov from NFC (North FOrk Composites)

Et tout d’un coup, après dix minutes de vadrouille, il apparaît. Posé dans la roche un lac de fou, complètement invisible depuis la route maintenant lointaine. Un mirage. Tout en longueur, avec un coude, ça doit faire 500 mètres de long sur une 50aine de large, il y a des zones peu profondes avec des herbiers, des carpes qui marsouinent au soleil, des berges de fou partout, de la végétation en bordure côté nord, et ça descend à 13 mètres au milieu. Guys, ça va être du délire …

Dave à les droits de pêche exclusifs sur le lac, qui est privé, et il nous promet des poulets de 10 Lbs comme s'il en pleuvait.


On met les bateaux à l'eau, le ponton de Dave, qu'on fait avancer à la rame, et c'est parti. Je suis avec Aleks, Dave et Ben Hill, un gars au top qui possède une boite qui justement construit des bass boats et des pontons, dont celui de Dave.

Et là, comme souvent à la pêche, c'est plus compliqué que prévu… La chaleur écrasante cloue les gros poulets au fond, et ce n'est pas l'orgie espérée. Les poissons actifs sont sur les bordures, dans les tous premiers mètres, et ce ne sont pas de gros poissons, le plus gros de la journée doit taper ses 50 cm.

Ça pêche en spinning et en casting, sur des petites 2-10 grammes. Coté leurres sur notre boat on fera tous nos poissons sur des petites virgules vertes et de la petite TP obus de 2/3 grammes. J'essaye comme d'habitude de faire un petit moment le malin avec des craws et des saloperies comme ça, genre les gars je vais vous montrer ce que c'est qu'un pêcheur de bar, j'essaye de gratter, j'essaye de déclencher des vaches en linéaire coté creux quand tout le monde se fend la gueule sur les bass de 40 sur les berges, et au bout de quelques Coors et de pas de poissons je me rend, je tape dans la boite de leurres de Dave, et j'essaye de faire comme tout le monde.

[caption id=""attachment_1690"" align=""aligncenter"" width=""800""] NFC fishing way of life[/caption]

Sauf que les poissons sont un peu cons, ils doivent en avoir après mon accent, et je mets quelques minutes à trouver un pattern qui marche bien, lancer ras la berge, petit linéaire slow, rendre la main, do-nothing entre deux eaux, et ferrage . Une fois que le pattern est rentré, ça passe quasi à tous les coups, et on fera quasiment tous les fishs de cette manière. On a espéré que le soir et la fraîcheur tombante allait faire sortir les dindons, mais rien, seul un autre bateau avec des petits ados geek dont Jason, bien plus à fond dans la pêche que nous, réussira à faire des plus beaux en surface, en soirée, mais ce ne sont pas les monstres attendus non plus.

[caption id=""attachment_1691"" align=""aligncenter"" width=""800""] Alone in the desert ...[/caption]

Nous, ça fait un moment qu'on se fait plaisir avec les 40 & compagnie. L'essentiel est ailleurs. Sur notre bateau, on se marre comme des bossus. On crève de chaud, mais quand je dis ça on crève de chaud. On cause, on blablate, on pose la rod dans le ponton, on fait un pas à l'extérieur, plouf, immersion de l'astronef, on remonte à bord, pas de soucis dans 5 minutes on est secs. On fait mal aux glacières de Coors aussi, on est impitoyables. On est un peu le bateau des relous, on fait beaucoup de plongeons, un peu de piraterie avec les autres bateaux plus appliqués que nous dans leur pêche, vraiment on rigole, tout en logeant des dizaines d'achigans de toutes les sortes, et des petits crappie fish.

Comme sur pas mal de boats ça parle de pleins de trucs et euh ... d'amour bien sûr. Je crois qu'avec le débit qui va bien, les périphrases, le vocabulaire local pour parler de tout ça, ces discussions auront été celles que j'aurai eu le plus de mal à suivre. Qu'on se rassure, les américains sont largement aussi couillons que nous sur le sujet.

La journée passe, on est sur notre ponton dans un lac bourré de bass dans le désert, on boit des bières et on rigole, j'adore cette journée.

Le soir tombe, ça devient plus respirable, on profite encore un peu de la fraîcheur, on sort les boats et on met les bouts.

[caption id=""attachment_1693"" align=""aligncenter"" width=""800""] Aleks, Ben, Dave, Jason et moi. Souvenir d'une excellente journée ![/caption]

Il est un peu tard pour rentrer sereinement sur Seattle, alors Dave nous propose à Aleks, Jason et moi de passer la nuit chez lui, dans une McMansion pas trop loin. Une McMansion aux US c'est une ville un peu champignon sortie au milieu de nulle part, middle class un poil cheap, ou tout se ressemble, les maisons, le McDo au milieu, les grandes surfaces. Une sorte de ville de base aux modules et dérivations répétables à l'infini. Rien de péjoratif de mon côté, c'est Dave lui-même qui m'explique ça. Le genre de ville que tu peux quitter, pour aller dans une autre, sans te rendre compte que tu as changé de ville. Une fois qu'il m’a dit ça, j'ouvre les yeux et je regarde, c'est vrai qu'il y en a des paquets des villes de ce genre, qui donnent l'impression d'avoir été posées depuis l'espace en un seul morceau. Ça doit être le pendant de ces villes de départementales, ou les panneaux de pub par centaines t'annoncent la sortie de la ville et le territoire des centres commerciaux.

On s’arrête acheter des burritos et des tacos, et on file chez Dave, débriefer la journée autour d'une bouteille de whiskey canadien. A un moment chez lui je remarque un espèce de gros pétard façon gros pétard, et je lui demande si c'est de l'AirSoft ? Éclat de rire, non ce n'en est pas. Bon on est aux US quoi.

On finit par se tanker, un peu tard, un peu cramés. C'était une pure journée avec les gars de chez NFC, avec encore des belles rencontres, encore un visage des US que je ne connaissais pas, des gens qui te parlent de leur vie, de leurs boites, de leurs potes, de leur façon de vivre. Je me suis plongé dans ce lac comme je me suis immergé dans leurs vies de pêcheurs d'un autre continent, le temps d'une journée. J'ai le souvenir de cette eau qui paraissait glacée à côté de la fournaise extérieure. J'ai le souvenir de ces discussions étonnantes, qui diffèrent vraiment des nôtres, quand quelqu'un commence une histoire, que le débit change, que le ton descend, et que les autres écoutent, pensifs. L'histoire, la manière de les raconter, la manière de leur accorder du temps, je crois que ça mériterait un bouquin en soi. Un autre pays. Lointains cousins.

Demain on décolle tôt avec Jason et Aleks, on doit être à 8 h du matin à Woodland, là où est établi la fabrique de blanks de North Fork Composites. On sera Mardi, ça sera ma dernière journée pleine aux US. Je vais rencontrer quelqu'un que je tiens absolument, maintenant, à vous présenter. Je veux bien sur parler de l'immense Gary Loomis. American Legend.

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USA TRIP PART 6 : Meeting with the legend Gary Loomis

Par Goulven Dollé.

On décolle tôt de chez David le guide de pêche et on file avec Aleks, direction Woodland.

Après quelques heures de route on arrive dans les locaux flambants neufs de North Fork Composites.

Immédiatement je rencontre la légende, l'animal mythique, j'ai nommé Gary Loomis. Ce n'est même plus un personnage, à ce niveau-là, c'est un ...morceau de l'histoire des cannes à pêche.


Gary Loomis est le créateur de la marque G.Loomis, qui porte son nom. Avant ça, il y a longtemps, en 1974, il travaillait déjà pour Lamiglass, un autre fabricant Américain de cannes. Avant ça, il avait développé en assemblant des morceaux de blanks, des nouveaux blanks pour pêcher la steelhead, qui sont maintenant devenus les standards de cette pêche, c'est même ce qui lui avait permis d'être connu, et de rentrer chez Lamiglass. A cette époque-là, tout le monde faisait des cannes en fibre de verre, excepté Fenwick, qui avait mis le doigt sur un truc, mais avait de gros problèmes de casse. Gary entend dire à l'époque que le carbone est mis en œuvre à Seattle même, dans les usines Boeing. Pendant 3 jours, il se plante à la sortie des usines, et demande aux gars qui passent s'ils connaissent des gens qui travaillent le carbone. Et au bout du troisième jour, il tombe sur une équipe d'ingés, qui l'invitent à déjeuner. Ils sympathisent, et lui expliquent comment travailler ce matériau, où se fournir, bref, tout ce qu'il faut savoir. Cette histoire, je la tiens de Gary Loomis lui-même, qui me l'a raconté à Woodland, en direct.

Gary de formation c'est un machiniste, quelqu'un qui fabrique des machines-outils. Alors après avoir vainement tenté de convaincre Lamiglass de la pertinence de l'utilisation du carbone pour les cannes à pêche (ils n'y croyaient pas), il créé sa marque de blank et canne à pêche. Il construit ses propres machines, et connaît le succès planétaire qu'on sait, avec sa firme, G.Loomis.

En 1995, Gary est diagnostiqué d'un cancer. Les médecins lui donnent peu de temps à vivre, il est condamné. Il vend alors sa firme au groupe Shimano, afin d'organiser sa succession proprement. Puis il s'offre un « dernier » voyage en Afrique, avec sa femme. Et là, comme pour tous les personnages de légende, il se passe des choses incroyables. L'histoire raconte qu'il rencontre un sorcier, qui lui donne une espèce de remède. A ce moment-là de sa vie, pourquoi ne pas essayer ? Plus de 20 ans après, Gary est passé entre les gouttes. Le remède du sorcier a visiblement fonctionné...

Gary a bien fonctionné avec Shimano pendant deux ans, puis leurs vues sur leurs manières de travailler se sont avérées trop divergentes, et leur collaboration a rapidement pris fin. Gary n'a pas eu le droit d'utiliser son propre nom de manière commerciale pendant des années, et à l'issue de procès incroyablement coûteux et longs, l'a finalement retrouvé. Il a alors créé en 2010 sa propre firme de blanks, North Fork Composites, qui est la marque actuelle de Gary Loomis et que nous distribuons depuis 2011.

Dans l'industrie du blank, c'est un Gourou, il a connu les tout débuts, l'évolution des process, des matériaux et des résines, il a formé des dizaines de personnes et connait tout le monde.


[caption id=""attachment_1705"" align=""aligncenter"" width=""720""] L'homme est gaillard et câlin ![/caption]

Et là, je suis dans le hall, à Woodland, et je rencontre la légende. Pour vous le décrire, l'animal est extrêmement simple, jovial, facile. On pourrait s'attendre à une star façon je gère mon planning comme un ministre on a 10 minutes mon gars. Non. Déjà il est tactile, j'ai l'impression de me faire tripoter, j'en rigole encore, mais c'est un peu comme ça ... Tu ne salues pas Gary, non, il te tombe dans les bras ! Il te chope, il te serre les bras, il te tape les épaules. Je n'étais pas spécialement stressé, mais ça fait un bien fou, pas de round d'observation, de je ne sais quoi, en deux secondes j'ai l'impression d'être un morceau de bambou et que Gary est un panda, il est incroyablement humain, vivant, facétieux. Un pur bonheur de rencontre.


Ensuite ça se passe de manière un peu informelle, on cause dans son bureau, dans la salle de réunion, Alex et Jason arrivent, repartent, reviennent.

[caption id=""attachment_1707"" align=""aligncenter"" width=""800""] Jason[/caption]

On cause de pleins de trucs, il me raconte son parcours, on cause technique, de ce qui fait un bon blank, un blank pourri, etc. Il y a ce moment marrant ou on parle de l'épine, du nerf, et il me sort comme ça « je n'ai aucune idée de ce que peut être un nerf ou une épine sur un blank, mais je sais par contre de quel côté il faut monter les anneaux ». Ce qui est un truc que je répète depuis très longtemps, « épine, contre épine », je n'en sais rien, si le blank plie comme ça, qu'il fait une espèce de rond, alors monte les anneaux à l'intérieur du rond bon dieu. Et donc je lui demande si ça ne le dérange pas de faire une petite vidéo, et pas de soucis on la fait. C'est dans la boite bébé, et j'étais dans la pièce.


Le repas du midi se fait à la cool, NFC fonctionne un peu comme une start-up, cuisine commune et tournante, tout le monde mange avec tout le monde. Je dois même défendre mon assiette contre les assauts de Gary Loomis qui en veut à mon poulet frit.


L'après-midi est dantesque, je passe dans l'usine, de poste en poste, en solo et je « fais mon blank », je participe à chaque étape, depuis la découpe des patrons et le plan de nappage, le passage du fer sur le mandrin, le roulage de la feuille autour du mandrin, cellophanage, cuisson, dé-cellophanage. Ce que je retiens de tout ça, sans jouer à l'ingé carbone, ce n'est pas mon job et ça ne le sera pas, mais c'est le nombre d'interventions humaines, et le temps passé sur chaque blank. A chaque étape, l'expérience, le savoir-faire, le temps, sont primordiaux. Je rencontre là encore tous les employés, je parle tranquillement avec eux, j'ai l'après-midi pour ça.


[caption id=""attachment_1714"" align=""aligncenter"" width=""800""] Scrim fibre de verre[/caption]
[caption id=""attachment_1713"" align=""aligncenter"" width=""800""] Scrim carbone[/caption]

J'ai demandé avant à Alex et à Gary si ça ne les dérangeait pas que je filme, que je photographie. Éclats de rire de Gary et d'Alex, qui m'expliquent que toutes les machines ici sont créées et optimisées par Gary, « ils peuvent bien essayer de les refaire ».

Making a blank in North Fork Composites factory, Woodland

Il me montre sa machine à plateau, qui sert à rouler le drap de carbone autour du mandrin, elle s’appelle « big Rollin helen », c'est celle qui sert sur les grands monobrins, là où la machine pour faire les petits brins, type cannes à mouche s’appelle « pee wee », petit bout de choux (si, si, il y a du multi brins en rodbuiliding, c'est juste qu'on aime un peu moins). C'est une machine entièrement crée par Gary, qui permet de régler la pression inch par inch, ce qui est primordial selon lui. Il me montre dans un coin des machines qui prennent la poussière, les machines communes que tout le monde utilise et qui sont celles que l'on voit dans un tas de vidéos sur les blanks. Ok, ils ont de l'avance.



Je rencontre aussi un personnage totalement délirant, j'ai nommé Al Jackson. Lui c'est l'homme de l'ombre, c'est the Smoking Man. Un personnage aussi connu que discret dans l'industrie du blank qui connaît là encore tout le monde, qui fait quoi, pour qui, où, comment, Al sait. C'est lui par exemple qui a créé les Carrot Stick, et tant d'autres rods, c'est un monument de l'industrie, qui travaille maintenant chez NFC en appui de Gary.

[caption id=""attachment_1701"" align=""aligncenter"" width=""800""] Le bureau de Al. Vous comprenez ?[/caption]

NFC, ce sont des purs Geeks du carbone. Ils commandent plein de trucs partout, pour voir comment c'est fait, voir s'ils ont toujours de l'avance. Ils ont la dent dure contre pas mal de fabricants, je les ai vus de mes yeux passer le doigt sur une Rod et Al dire « regarde les irrégularités, ils ont un four à autoclave, ils ne savent même pas s'en servir » Je promets que je ne dirai pas qui. Je les ai vu aussi dire du bien d'autres « Oui eux ont un vrai savoir-faire, ils font des trucs étonnants, on se connait ». Je promets là aussi que je ne dirai pas de qui ils parlaient ! Généralement quand il fait un compliment dans la demi seconde qui suit Al dit « Mais je peux faire beaucoup mieux, plus léger » Pas de soucis Al je te crois.


Je passe aussi un long moment avec Khiem, qui est le patron de l'exploitation, et qui est clairement en formation permanente depuis 7 ans, avec Gary depuis le début, puis avec Al. Lui il va falloir le suivre, parce que formé par Gary, formé par Al … il va en savoir des choses Khiem. On échange entre autre beaucoup sur les anneaux, les rampes d'anneaux, leur structure. Les anneaux c'est vraiment mon obsession en rodbuilding, on trace quelques droites sur une table et on passe un moment à échanger, pour le coup c'est à mon tour de montrer des trucs à Khiem dont le métier est clairement plus porté sur les blanks.

On termine tard. A l'Américaine, Aleks est le dernier parti, et on ferme l'usine. On cause on cause on cause. Mon temps aux US est compté maintenant, alors je me transforme en moulin à parole. On va boire quelques IPA draft dans un bar cool au bord de l'eau, et on casse la croûte. On est dans la projection, dans le futur, on évoque ce qu'on va faire, parce qu'en vrai le trip est fini, demain je suis dans l'avion.

Et puis merde. Il est tard, mais on ne va pas s’arrêter là. Aleks stoppe en rentrant dans un supermarché ouvert jusqu'à tard, attrape deux bouteilles de bon vin Californien, et m'invite chez lui, « tu dormiras à la maison ».

On rigole tard, son épouse vient nous rejoindre sur la terrasse, ça fait un moment déjà qu'on ne parle plus de blanks, de pêche et d'industrie. Aleks et Véronika vous savez que le match retour se joue à la maison.

Le lendemain mon voyage s'achève, retour Seattle, rendre voiture, monter avion, route Bretagne.


Je ne suis pas très bon pour les au revoir, alors je ne serai pas très bon pour cette fin là non plus. Qu'est-ce que j'ai retenu de tout ça ? Je retiendrai que les gars de chez Batson sont des pêcheurs, des putains de pêcheurs, ils ont ça dans le sang, ils vivent pour ça, c'est leur mode de vie. Sans être aussi pointu qu'eux, on se ressemble là-dessus, on vit de la même manière. Je retiendrai que les gars de chez NFC, ce sont des geeks absolus du blank, des tekos, des nihilistes du blank (check dude). Si tu veux le dernier truc en date, la dernière techno c'est clairement chez NFC que ça se passe. Ils ont l'histoire, la légitimité, le futur.

Maintenant, à l'instant T, j'ai retenu des gens, c'est à dire que quand je pense à eux, ces gens sont vivants en moi. Des sourires, des timbres de voix, des moments. Beaucoup. Alors j'espère que des gens là-bas se souviennent en rigolant de ce type à l'accent français totalement invraisemblable, et s'ils ne s'en souviennent pas, promis, je reviendrai.


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